DIMANCHE 3 OCTOBRE 2021 — 20H45
Cinéma Utopia
5 Place Camille Jullian, Bordeaux
Tarifs : 7€ par séance ou Ticket abonnement
BLISS
Un film de Joe Begos
États-Unis / 2019 / coul / 1h20 / vostf
Avec Dora Madison, Tru Collins, Jeremy Gardner, Rhys Wakefield, Graham Skipper, Chris McKenna…
Musique originale de Steve Moore, accompagnée d’une flopée de groupes punk-metal de Los Angeles : Deth Crux, Harassor, Wovoka, Isis, Wild Signals, Bad Looks…
Prix du Meilleur Film, réalisateur et maquillage, Chainsaw Awards, Fangoria, 2020.
Prix de la réalisation, Midnight X-Treme, Sitges, 2019.
—Deziree Donahue est une jeune artiste peintre de Los Angeles, plutôt à la marge, dans la dèche et avec une tendance marquée à la procrastination. À moins que ça ne soit une perte d’inspiration à quelques jours de l’ouverture de son exposition personnelle, dont le clou est censé être cette grande toile qu’elle ne parvient pas à achever depuis plusieurs mois. Las, son agent artistique la plante, la galeriste ne donne plus signe de vie et son logeur excédé lui réclame deux semaines de loyer en retard. Rien de tel dans ces circonstances accablantes que de s’offrir un petit remontant, histoire d’accélérer le processus et de retrouver sa fougue créative sur la dernière ligne droite. Justement, en guise de ligne, elle va s’offrir un mélange détonnant nommé « Diablo », supposé amener à l’extase (« Bliss »). Mais la substance s’avère bien plus stupéfiante que prévu.
Après une année d’absence, Lune Noire est de retour avec le couteau entre les dents, et ça va saigner. BLISS est-il un film à consommer avec modération ? Si un langage peu châtié vous irrite les sens (« Fuck » est prononcé pas moins de 208 fois en 1h20, à peu près autant que le mot « shit », battant ce roturier de Tarantino à plate couture), si l’immersion intermittente dans un bain de lumière stroboscopique est susceptible de stimuler vos tendances épileptiques, que le grain de l’image 16mm savamment dosé pour composer un psychédélisme glauque vous donne le haut-le-cœur, si des riffs sanglants de guitares barbelées vous écorchent les oreilles, et avant tout, si la simple idée de consommer de la drogue vous semble hautement répréhensible, passez immédiatement votre chemin. Si au contraire, sans être une âme insensible, un soupçon d’Abel Ferrara, une tranche de Gaspard Noé et un zeste de Gerard Kargl passés dans un shaker en mode hardcore est un cocktail qui vous dilate les papilles, vous ne pourrez qu’apprécier ce very bad trip qui brouille dangereusement les portes de la perception. Car BLISS réunit en un remarquable condensé la fameuse antienne : sexe, drogue et rock’n’roll, avec quelques baquets de sang en sus.
Le troisième long métrage de ce sale gosse de Joe Begos n’est en effet pas sans rappeler les vampires urbains vêtus de cuir noir de THE ADDICTION, les vertiges sensoriels d’ENTER THE VOID et le caractère extrême de SCHIZOPHRENIA, amplifiés par tous les excès d’un tempérament punk amené à un point d’incandescence (auto)destructeur. Dora Madison, dont le rôle de Dezzie lui va comme un gant, fait figure de « Carrie au bal du diable » avec cette pointe d’humour parfaitement trash qu’on trouve dans un certain cinéma indépendant borderline et décomplexé, assumant ses outrances.
Le corollaire de BLISS, c’est que l’enfer est au bout du plaisir, quand celui-ci est forcené, incontrôlable, voué à une irrémédiable répétition. Il y a ici une fureur stylistique jubilatoire qui semble vouloir faire corps avec les personnages, comme projetés sur les rubans d’un flipper clignotant frénétiquement. L’horreur viscérale, carnavalesque de BLISS, qui glisse progressivement vers le surnaturel avec sa caméra hyper mobile et nerveuse, n’est au final qu’une hallucination. Un voyage dans un des cercles de l’enfer (Dante est ici le nom d’un manager de groupe de rock), où la création artistique, dans ses affres, n’offre même plus de rédemption mais s’affirme comme la plus dévorante des addictions.
— Bertrand Grimault
AVERTISSEMENT : DU FAIT DE CLIGNOTEMENTS INTERMITTENTS, CE FILM EST DÉCONSEILLÉ AUX PERSONNES PHOTOSENSIBLES.
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DIMANCHE 7 NOVEMBRE 2021 — 20H45
Cinéma Utopia
5 Place Camille Jullian, Bordeaux
Tarif : 7€ ou Ticket abonnement
THE BABY
Un film de Ted Post
États-Unis / 1973 / coul / 1h25 / vostf
Avec Anjanette Comer, Ruth Roman, Marianna Hill, Suzanne Zenor, David Manzy…
— Éprouvée par la perte récente de son mari, Ann Gentry est une assistante sociale dévouée qui s’investit pleinement dans le nouveau dossier qui lui est confié : le cas très spécial de « Bébé », un garçon qui babille, se déplace à quatre pattes, pleure et fait dans ses couches comme tout nourrisson… en dépit de ses 21 ans. Suspectant que « l’enfant » est volontairement maintenu dans un état débilitant et souhaitant le placer dans une clinique spécialisée, Ann devient rapidement indésirable aux yeux de Mme Wadsworth, la mère tyrannique du foyer, adoubée par ses deux filles aux mœurs des plus relâchées. C’est le début d’une guerre entièrement féminine, où tous les coups, surtout les plus tordus, vont être fomentés de part et d’autre pour éliminer l’adversaire et s’assurer la garde de Bébé…
Attention, rareté absolue ! À l’image de THE WITCH WHO CAME FROM THE SEA, diffusé en 2018, Lune Noire déterre une autre perle égarée du cinéma d’exploitation américain avec THE BABY. Prenant lui aussi la psyché féminine comme sujet, le film de Ted Post choisit néanmoins un traitement en tous points opposé : ici, pas d’expérimentations évanescentes et surréalistes mais un concept fièrement scabreux mené avec un mauvais goût frontal et assumé. Comme on dit : « Âmes sensibles, s’abstenir ! » Mais si par chance vous avez le cœur bien accroché et un penchant certain pour l’humour trash et choquant alors le film risque de s’imposer à vous comme une des grandes comédies noires, injustement oubliée, de la décennie 70.
Étude corrosive sur l’instinct maternel, portrait acide d’un matriarcat poussé dans ses retranchements, le film peut être vu comme le cousin de ceux du John Waters de la même période, l’esprit « Queer » en moins et le « professionnalisme » en plus. Il est assez rare en effet de voir un objet de pure exploitation comme celui-ci réalisé avec autant de sérieux et de savoir-faire. Cette réalisation sèche, sans fioriture est due à Ted Post, solide artisan de la télévision américaine dont les rares incursions dans le cinéma nous amènent à regretter qu’il n’y ait pas plus œuvré. Cantonné aux séquelles et autres produits dérivés des succès de l’époque (le western PENDEZ-LES HAUT ET COURT, MAGNUM FORCE, LE SECRET DE LA PLANÈTE DES SINGES…), ce film comme un autre, plus tardif, LE MERDIER, nous laissent à croire qu’il valait mieux que ce à quoi les studios l’ont assigné. Malgré un budget qu’on devine anémique, sa réalisation précise, son découpage inventif et sa gestion parfaite du matériau aberrant et outrancier de son sujet lui permettent de faire rire et d’inquiéter tour à tour, distillant une ambiance malsaine et une tension progressant crescendo… jusqu’à un final démentiel, cerise sur le gâteau d’un film décidément à part.
Inédit sur les écrans français depuis 48 ans, voici donc l’occasion unique de découvrir, en version restaurée et intégralement sous-titrée par nos soins, une des insanités les plus dépravées sur le refoulé féminin tapi derrière le fronton des pimpantes banlieues américaines. À l’heure où la guerre des sexes semble ressurgir, THE BABY continue de taper sur les deux camps d’une même force, pour nous sommer d’en rire.
— Mathieu Mégemont
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DIMANCHE 5 DÉCEMBRE 2021 — 20H45
Cinéma Utopia
5 Place Camille Jullian, Bordeaux
Tarif : 7€ ou Ticket abonnement
PIÈGE POUR CENDRILLON
Un film d'André Cayatte
France / 1965 / n&b / 1h55
Scénario de Jean Anouilh et Jean-Baptiste Rossi d'après Sébastien Japrisot
Avec Dany Carrel, Madeleine Robinson, Hubert Noël...
— Séance présentée par Eugénie Filho et Marc Moquin,
rédacteurs à Revus & Corrigés et distributeurs du film.
— Stand de consultation et de vente de la revue, en partenariat avec la Librairie Mollat.
Une jeune fille se réveille à l'hôpital, victime de graves brûlures et totalement amnésique. On lui dit qu'elle s'appelle Michèle, riche héritière d'un empire de maroquinerie, et que sa cousine Dominique dont elle était très proche a quant à elle péri dans l'incendie dont elle a réchappé. Mais est-elle vraiment celle qu'on lui dit qu'elle est ? Ne serait-elle pas plutôt « l'autre » ?
Dans les années soixante, après des années de dénigrement par les jeunes turcs de la Nouvelle Vague, la réputation d'André Cayatte, symbole de cette « Qualité Française » honnie, a largement perdu de sa superbe. Surnommé sarcastiquement « l’avocat du cinéma Français » par François Truffaut, en référence à sa profession initiale, il est vrai que Cayatte, à l’exception d’un début de carrière porté sur l’adaptation de classiques de la littérature (Zola, Maupassant…), a principalement œuvré dans les films « dossiers », s’intéressant à des affaires judiciaires, matériau jugé alors peu noble car intrinsèquement moral. Pour autant, ce serait oublier que moral ne veut pas forcément dire moralisateur, et que ce qui intéressait Cayatte dans les affaires qu’il adaptait a souvent été de questionner le « bon droit » que les individus, les groupes ou les institutions opposaient à ceux dont ils voulaient faire payer les crimes, en réalité des actes transgressant justement la morale de leur temps. Si Cayatte a bien été un avocat dans la cinématographie française, c’était celui de la défense de l’individu broyé par la calomnie, la pression populaire, l’Histoire, voire-même la vengeance d’état à travers la peine de mort à une époque où se dresser contre était un acte de courage véritable.
En 1965, dans le creux de la vague, il décide alors d'abandonner ces films « dossier » pour tenter une incursion du côté d'Hitchcock et Clouzot, de leurs thrillers modernes où le trouble identitaire se fait matrice d'un suspense diaboliquement métaphysique. A travers un récit où la linéarité s’effiloche peu à peu à mesure que les témoignages contradictoires s’accumulent sur l’identité du personnage principal, c’est à un gouffre que Cayatte nous convie, celui d’une femme dont l’existence ne tient qu’à ce que les autres disent d’elle. Et cet abîme est d’autant plus attractif qu’il prend la forme d’un thriller constamment retors où nos certitudes et nos préjugés se voient implacablement balayés d’une séquence à l’autre : entre la bourgeoise et la prolétaire, qui a dominé l’autre jusqu’à la tuer ? Film manipulateur sur la manipulation, PIEGE POUR CENDRILLON nous perd dans une spirale étourdissante jusqu’à un final sans concession expliquant sans doute en grande partie l’échec du film à sa sortie.
Aujourd’hui, le film reste étonnant à plus d'un titre. Moderne dans ses thèmes comme dans certains pans de sa mise-en-scène (après un générique quasi Polanskien, il s’ouvre comme une sorte de version française de SECONDS / L’OPÉRATION DIABOLIQUE de John Frankenheimer), porté par la performance bluffante de Dany Carrel dans un triple rôle, secondée par une Madeleine Robinson grandiose de vilénie, PIEGE POUR CENDRILLON mérite largement, après plus de 50 ans d'oubli, d'être redécouvert.
Retrouvez Lune Noire sur www.lunenoire.org et sur Facebook
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Un événement proposé par l'association Monoquini en partenariat avec le Cinéma Utopia et Radio Nova Bordeaux.
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