Le court métrage serait-il au cinéma ce que la nouvelle est au roman ? Un précipité, une fulgurance, un jeu d’équilibre, un art de la concision ? Un mardi soir par mois au Cinéma Utopia, LES ÉPISODES vous proposent de vérifier cette hypothèse, palliant à la rareté de ce genre en soi dans les salles obscures, en dehors des festivals spécialisés. Il s’agit de réunir thématiquement des œuvres qui échappent aux modes de production et de diffusion conventionnels et d’explorer des archipels cinématographiques peu connus. Ce sont des films d’artistes et de cinéastes-plasticiens, des films-essais, des expérimentations couvrant une vaste étendue d’expressions et de pratiques audiovisuelles - de l’argentique au numérique, du cinéma d’animation au documentaire de création en passant par les infinies nuances de la fiction. Chaque séance présente une diversité de réalisations, mêlant films anciens et récents de toute nationalité, certains inédits en France, composant les chapitres d’un récit imaginaire au long cours.

MARDI 13 DÉCEMBRE 2022 — 20H15
Cinéma Utopia
5 Place Camille Jullian, Bordeaux
Tarif : 7€ ou Ticket abonnement



Alexandre Larose, III




ÉPISODE 8 / Interstices d’une géographie en mouvement 

CARTE BLANCHE À L'ABOMINABLE
En présence de Lucie Leszez et Stefano Canapa

— En ce jour de Sainte-Lucie, patronne des photographes, que la lumière soit !
Diverses lumières même, et des plus singulières, en provenance d’un laboratoire associatif où celles-ci font l’objet d’une attention toute particulière. À l’heure du (presque tout) numérique, on en oublie que le cinéma a été longtemps de l’image et du son déposés sur une surface souple et transparente que l’on nomme pellicule, que le mécanisme savant d’une machine projetait sur un écran. Ces composants, désormais obsolètes aux yeux de l’industrie et de l’exploitation cinématographique, sont aujourd’hui entre les mains d’artistes et de cinéastes expérimentateurs qui continuent à explorer les potentialités infinies du support argentique.

Fondé en 1996 d’un besoin de maitriser les moyens de production d’un film sur pellicule, L’Abominable est devenu une référence incontournable de la création cinématographique, reconnu pour son savoir-faire et ses ressources techniques et humaines : un lieu partagé où chaque film est une œuvre unique, fait-main, où se transmet la conviction que le cinéma est un art.

Basé en région parisienne où il a connu la précarité d’espaces transitoires, L’Abominable a trouvé à l’été 2022 un nouveau lieu où installer ses machines : les anciens laboratoires Éclair à Épinay-sur-Seine, un site emblématique de l’industrie cinématographique en France, fermé en 2015. Aujourd’hui, L’Abominable a pour projet d’y créer un lieu de référence des pratiques contemporaines du cinéma argentique sous le nom de Navire Argo et est à la recherche de financements pour le réaliser.

Laissons la parole à nos invités, cinéastes et chevilles ouvrières de L’Abo :

« Nous rassemblons ici une partie des films fabriqué à L’abominable sur support 35mm. Ceux-ci sont moins nombreux que ceux en 16mm car le métrage pour une même unité de temps est presque trois fois plus important. Les caméras sont plus lourdes, la pellicule chère et les circuits de diffusion alternatif souvent ne sont pas équipés pour la projection. Mais il s’avère que ce format offre d'autres perspectives : le son stéréo, une recherche étendue sur les différentes tailles des grains de sel argentique, la possibilité de travailler le même format que ceux des appareils photographiques, un confort certain dans les opérations de travail direct sur la pellicule ou encore, lors de la projection, la possibilité de proposer une image de plusieurs mètres de large. 
À partir de ce corpus, nous avons cherché à inventer de nouvelles géographies, à composer autour de la notion d’espace, intérieur et extérieur, en se disant que quelque part, faire des films de cette manière-là (dans des lieux comme le nôtre) c’était un peu comme inventer de nouveaux territoires, ouvrir des brèches, tordre l'espace pour qu'y apparaissent d'autres temporalités, d'autres formes, que le connu redevienne étranger. 
Dans les films de ce programme, les chambres du quotidien se peuplent de figures évanescentes dont les gestes épuisent l'espace comme chez Beckett. On plonge dans l'abstraction, à l'intérieur d'un corps, dans la matière du film argentique, comme pour aller (voir) ailleurs.
 »

navireargo.org
l-abominable.org

Au programme :

OUVERTURE de Christopher Becks (2010 / n&b / muet / 5 mn.)
MY ROOM LE GRAND CANAL d’Anne Sophie Brabant & Pierre Gerbaux (2002 / n&b + coul / 32 mn.)
CILAOS de Camilo Restrepo (2016 / couleur / 12 mn.48)
SITE de Hector Castells-Matutano (2016 / couleur / 7 mn.47)
III d’Alexandre Larose (2022 / couleur / muet / 14 mn.)
BORGO de Lucie Leszez (2019 / n&b / muet / 3 mn.40)
FURTHER RADICAL de Stefano Canapa (2020 / n&b / 7 mn.)


Stefano Canapa, FURTHER RADICAL

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Durée totale du programme : 82 minutes
Merci à Stefano et à Lucie.
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