MARDI 18 OCTOBRE 2022 — 20H
CINÉMA UTOPIA
5 place Camille Jullian — 33000 Bordeaux
Tarif : 7€ ou ticket d'abonnement Utopia
PROJECTION
NO IDEAS BUT IN THINGS: THE COMPOSER ALVIN LUCIER
Un film de Viola Rusche & Hauke Harder
(Allemagne / 2012 / couleur / 1h36 / VOSTFR)
Avec Alvin Lucier, Nicolas Collins, Roland Dahinden, Hildegard Kleeb
— Un ensemble d'instruments de percussion mis en vibration par des impulsions d'ondes cérébrales considérablement amplifiées (Music for Solo Performer, 1965). Des performers aux yeux bandés se déplaçant dans un espace en suivant, à la manière des chauves-souris, le son d’impulsions électriques et leur écho (Vespers, 1968). Une voix qui se transforme progressivement sous l’effet de la réitération et du décalage (I Am Sitting in a Room, 1969). Dans une pièce toute en longueur, une corde de piano tendue entre les deux pôles d'un aimant, produisant un bourdon en constante évolution (Music On A Long Thin Wire, 1977). La radioactivité naturelle de l'ionosphère et de la magnétosphère terrestre rendue audible au travers de diverses sonorités, tintements et sifflements (Sferics, 1981). Des objets ménagers amplifiés, telle une boîte d'allumettes ou une théière, devenant des instruments inattendus…
Ces processus, propositions et dispositifs d’écoute, parmi d’autres, sont signés Alvin Lucier. La musique du compositeur nord-américain, disparu en décembre 2021 à l’âge de 90 ans, ne repose pas sur la continuité musicale ou la mélodie, sur « l’inspiration » ou une quelconque idée abstraite. Elle émane de la nature même du son, dans sa dimension physique, se focalisant sur les phénomènes acoustiques : résonance, interférence, vibration, harmonique.
Le titre du film, emprunté au poème « Paterson » de William Carlos Williams (« Point d’idées sinon dans les choses »*), souligne cette attention à un environnement concret et immédiat, aux régions sous-explorées du monde sonore et des objets non-musicaux pourtant dotés de qualités acoustiques : il y a des sons qui attendent simplement qu'on s'intéresse à eux. Alvin Lucier est un compositeur qui écoute d'abord ces sons négligés ou marginalisés dans la pratique musicale conventionnelle, des sons qui n'ont aucun statut musical préalable (bruit atmosphérique, ondes cérébrales, boites de conserves…) et qu’il s’agit ensuite de faire revivre dans des situations données, sans nécessairement assigner un début, un milieu, une fin à ce qui se produit.
L’expérience que procure l’écoute des pièces d’Alvin Lucier est souvent associée au minimalisme. Le rapprochement est juste si on définit le minimalisme en musique comme tactique réductionniste radicale qui, loin d’atténuer les phénomènes, vise à recadrer et concentrer l’attention sur les qualités particulières du son, révélant le potentiel acoustique d’un espace, rendant possible l'écoute de caractéristiques et de détails qui seraient autrement perdus.
Le film de Viola Rusche et Hauke Harder se déroule chronologiquement, abordant les premières créations performatives de Lucier jusqu’aux plus récentes pièces pour orchestre. Le compositeur évoque ses débuts de carrière dans le domaine de la musique expérimentale sous l’influence de John Cage et David Tudor, ainsi que sa collaboration au légendaire collectif Sonic Arts Union qui, de 1966 à 1976, réunit Robert Ashley, Gordon Mumma et David Behrman.
De l'Université Wesleyan de Middletown, où il a enseigné pendant plus de 40 ans, à La Haye où ont été présentées en 2011 des œuvres importantes, nous suivons le « performeur né » qu’est Alvin Lucier, nous accompagnant, affable et malicieux, sur les chemins d’une écoute renouvelée du monde.
* Traduction empruntée à Yves di Manno, Paterson, José Corti, 2005.
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— Viola Rusche et Hauke Harder collaborent depuis 2012 à la réalisation de portraits de compositeurs contemporains : Ernstalbrecht Stiebler (ZEILE FÜR ZEILE, 2014), Jo Kondo (A SHAPE OF TIME, 2016), Boudewijn Buckinx (TO B OR TO B FLAT, 2019). Hauke Harder a été l’assistant d’Alvin Lucier dans la réalisation d'installations et de performances en Europe, de 1995 à la disparition du compositeur.
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La projection sera précédée d’une performance musicale, Music for Cello and Amplified Vases de Alvin Lucier, interprétée par Julie Lâderach.
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ACTUALITÉ
Oiseaux. Réflexions sur Alvin Lucier
Douglas Kahn
ed. Van Dieren, collection Rip on/off
— Dans le cadre de l'édition 2022 du LUFF, l'équipe du festival, pour cette nouvelle publication dédiée à la pratique sonore, a traduit le texte délicieusement drôle et précis de l'australien Douglas Kahn consacré à Alvin Lucier, et plus particulièrement à sa célèbre composition, Bird and Person Dyning (1975).
Récit intime, ironique et précis, qui fait tout à la fois émerger les coordonnées ludiques de l'univers d’Alvin Lucier aussi bien que sa profondeur expérimentale, Oiseaux est peut-être, de manière décalée, l'une des meilleures introductions à l'œuvre du grand compositeur américain. L’auteur, Douglas Kahn, est l'un des pionniers de l’histoire du son et des énergies dans les arts. Artiste visuel et sonore spécialisé dans les avant-gardes historiques et la musique expérimentale, il a étudié auprès de Lucier et a révolutionné les études sur John Cage.
Oiseaux. Réflexions sur Alvin Lucier
de Douglas Kahn
ed. Van Dieren, collection Rip on/off
2022, 47 pages, 15 euros
Disponible auprès de l'éditeur (Paris) ou de Monoquini (Bordeaux).
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Un événement proposé par l'association Monoquini dans le cadre du festival MÀD
lefestivalmad.fr
Merci à Hauke Harder et Thibault Walter.
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