Une séance proposée par Monoquini
dans le cadre de DOC EN MAI
— RENCONTRES DU CINÉMA DOCUMENTAIRE DE BORDEAUX
JEUDI 11 MAI 2017 - 21H
Cinéma Utopia
5 Place Camille Jullian, Bordeaux
Tarif : 6,50€/4,80€
UN HOMME QUI DORT
Un film de Bernard Queysanne & Georges Perec
France/Tunisie, 1974, n&b, 1h22
Avec Jacques Spiesser et la voix de Ludmila Mikaël.
Projection en 35mm
— Cela commence comme une mise en images de De la misère en milieu étudiant , le pamphlet situationniste de Raoul Vanegheim. Puis la fêlure dans la conscience d'un étudiant parisien sur le point de passer un examen de licence en sociologie générale. Du jour au lendemain, celui-ci remet en cause toutes ses activités et tous ses projets et se plonge volontairement dans une sorte d’hibernation. Pendant plusieurs mois, il vit ainsi en dehors du temps, en dehors du monde jusqu’à ce qu’apparaissent les limites et les dangers de cette expérience radicale et c’est douloureusement qu’il reprend pied sur la terre des vivants.
Film à double signature travaillé à partir du texte éponyme de Georges Perec, construit comme une partition musicale avec ses mouvements successifs, Un homme qui dort est le fruit d'une recherche formelle et sonore d'une profonde originalité, au service de l’idée “d’infra-ordinaire” chère à l'écrivain. Tourné dans un noir et blanc hypnotique par le chef-opérateur Bernard Zitzermann, il s'agit incontestablement d'une des expériences de cinéma les plus marquantes des années 70, dont la force et la sombre beauté restent intactes aujourd'hui.
—"Rue des Écoles, nos pas avaient choisi le trottoir de gauche et le désir ambiant imprima le mouvement qui nous ferait rejoindre le boulevard Saint-Michel. En remontant la pente de la rue d'Arras, nos yeux furent attirés par la façade d'un cinéma qui affichait Un homme qui dort. Échidna décida qu'on irait voir le film. Le scénario était une adaptation d'un roman de Georges Perec écrit à la deuxième personne. Jacques Spiesser en était la vedette. Des photographies agrafées sur les murs montraient ses déambulations dans un Paris désert. Assis au premier rang, on suivit le parcours du piéton. La voix de Ludmila Mikaël accompagnait la dérive livrée aux caprices d'une marche sans plaisir et sans but. Je contemplais ce film comme on se regarde dans un miroir. L'errance m'était devenue familière. Je serrais la main d'Échidna et sa chaleur me rassura. Je ne m'étais pas perdu. Lorsque le film fut terminé, on se leva difficilement.
Longtemps on resta sur le trottoir en flottant puis on entra dans un café. Le film était un excitant dont le premier effet fut de nous faire parler. J'écoutais Échidna en caressant ses bras. Elle disait avoir vu un chef-d'œuvre. Elle n'en revenait pas qu'un acteur puisse nous surprendre à son imprécision. Les mots de Georges Perec agissaient comme un envoûtement. Un homme qui dort invitait à découvrir Paris avec les yeux du petit matin. En attendant d'appliquer cette méthode, il fallait nous rappeler à la surface des choses."
— Guy Darol, Guerrier sans poudre, Ed. Maurice Nadeau, 2014.
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