CONTAINER
Un film de Lukas Moodysson
(Suède / 2006 / n&b / 1h15 / VOSTFR)
Avec Peter Lorentzon et Mariha Aberg

Mardi 28 mai à 20h
Les Avant-Postes
3 rue Beyssac - 33800 Bordeaux

https://lesavant-postes.com/

TEASER 1
Vous regardez la bande annonce de CONTAINER.
Vous vous dites, c’est quoi ce truc zarbi.
Zarbi : Queer, in English.
Il y a un homme corpulent qui porte une perruque blonde.
Ça le regarde. Il est chez lui. Vous en feriez peut-être autant.
Pour le fun ou par désespoir.
Il se dit une infinité de choses dans ce film qui est un flux de conscience, un journal intime, un miroir.
Ce film dure une heure et quinze minutes, une unité de temps et de lieu (container = conteneur = confinement = à l’intérieur) pendant laquelle vous entendrez une voix-off de femme dérouler d’un timbre menu (nul cri audible ici ; il est retenu dans les profondeurs de l’image) ses centres d’intérêt, ses obsessions, son trouble identitaire, car elle est un.e et multiple, fluide pourrait-on dire, une compagnie d’une intimité bouleversante ou insupportable selon votre humeur et votre capacité à recevoir une caresse au papier de verre.
Préparez-vous à y voir l’ordre social ébranlé par le rythme arbitraire et la puissance spasmodique de l’inconscient.
Si pour vous le cinéma est un divertissement, une distraction, un leurre bienvenu, une amnésie volontaire, un stimulus vibro-massant confortablement votre cerveau reptilien, peut-être devriez-vous faire le choix d’aller voir un film plus léger ?
Si pour vous le cinéma est une proposition qui se doit d’être une secousse dans votre conscience, une expérience inouïe, en tout cas peu commune, un art nécessairement souterrain, underground, car n’ayant pas recours aux fredaines qui peuplent les écrans du monde entier en racontant toujours la même histoire, peut-être que ce film vous donnera quelque chose en retour, moyennant 5 euros.
Dans happy few, il y a happy. Et si vous venez nombreux et nombreuses, c’est mieux.



TEASER 2
(…) Elle détestait tout désordre qui n’était pas le sien. Il ne pouvait plus compter que sur lui-même pour rendre sa petite existence précieuse. Même quand elle était drôle, ce n’était pas marrant de vivre avec elle. Je flirte avec tout ce qui bouge, à la première occasion. Je collecte, rassemble, lance des fragments dans ce monde en mouvement. Elle imagine que l’intérieur est l’extérieur. Elle est avide de tout. Elle ouvre grand la bouche. Si les mots pouvaient rendre les « si » réels. Avec des si, elle mettrait le monde dans une bouteille. Les grottes sont timides, la lumière n’y entre pas. C’est dans l’inconscient que le fantasme, les événements de la journée et le souvenir vivent, formant un réservoir pour la poésie du monde. Les souvenirs affluent, sous forme de phrases à demi entendue, de flashs flous. Ils n’ont pas de bords définis. Ils font irruption dans des chambres, ils arrivent à chaque instant (…)

(Phrases glanées au hasard chez Lynne Tillman, « Trouver les mots » (in Le complexe de madame Réalisme, Le dilettante, 2005)

TEASER 3
"Une femme dans un corps d'homme, un homme dans un corps de femme. Jésus dans le ventre de Marie. L'eau se déverse. Elle m'envahit. Je ne peux pas fermer le couvercle. Mon cœur est plein".
Ces trois lignes constituent le synopsis officiel de CONTAINER que Lukas Moodysson présente en outre comme étant "un film muet en noir et blanc, avec du son".
D’emblée intrigant. On ne s’adresse pas à tout le monde. On embarque pour un voyage dans l’inconnu.
De Moodysson, on connaît notamment Fucking Åmål et Lylia 4-ever qui ont rencontré un certain écho critique et public en France, ainsi que du récent Together 99 (2023). Ce qu’on sait moins, c’est que Moodysson est également poète - carrière à laquelle il se destinait initialement - et qu’à la marge de ses films narratifs, il a réalisé deux films inclassables qu’on pourrait qualifier d’expérimentaux.
A Hole in my Heart (2004), sorte de documentaire brut en mode télé-réalité assumant le caractère trash de son sujet et de son traitement, est un huis clos étouffant sur le tournage d’un porno amateur sous le toit familial qui avait fait se tortiller sur leur siège les spectateurs les plus avertis et définitivement outré les autres.
CONTAINER poursuit cette expérience du confinement, en y mettant davantage les formes.
Tourné en pellicule 35 mm, le noir y est profond, le gris granuleux et le blanc décliné dans toutes ses nuances laiteuses. C’est d’abord un film d’une incontestable puissance visuelle, le film d’un œil qui regarde vraiment et nous entraine dans un labyrinthe psychique fait d’obsessions, de peurs, de fantasmes éphémères et désordonnés, d’un dépotoir d’émotions contradictoires. Il y est aussi question de nourriture, de radiations, de solitude dans l’espace clos d’une chambre/crâne quand les rares extérieurs se déroulent dans des ruines sur des terrains vagues, qui sont des débris de mémoire.
C’est surtout une histoire de double, de trouble, de réciprocité. L’homme et la femme à l’image sont-ils une unique personne à la personnalité fracturée ? Sont-ils deux ou un ? Ou bien qui est le reflet de qui ?