DIMANCHE 29 MAI 2022 — 20H15
Cinéma Utopia
5 Place Camille Jullian, Bordeaux
Tarif : 7€ ou Ticket abonnement


SYMPTOMS

Un film de Joseph Larraz (José Ramón Larraz)

Grande-Bretagne/Belgique / 1974 / couleur / 1h31 / VOSTFR
Scénario de José Ramón Larraz et Stanley Miller, d’après une histoire de Thomas Owen.
Avec Angela Pleasence, Peter Vaughan, Lorna Heilbron, Nancy Nevinson…
Musique de John Scott.

Sélection officielle, festival de Cannes, 1974
Inédit en salles en France

— De retour de Suisse, la jeune traductrice Helen Ramsey invite son amie écrivaine Anne à passer un week-end dans sa propriété de famille inoccupée depuis des années dans un coin reculé de la campagne anglaise. Le garde-forestier est la seule présence humaine à des miles à la ronde. Le séjour s’annonce idyllique mais aussitôt le seuil de la demeure franchi, Helen, targuant un souci passager de santé, se comporte de façon de plus en plus erratique.


Angela Pleasance dans Symptoms.


SYMPTOMS est un des secrets les mieux gardés du thriller horrifique britannique des années 70, pourtant réalisé par un cinéaste espagnol. José Ramón Larraz Gil, qui a anglicisé son nom en Joseph Larraz ou signant parfois J.R. Larrath, a un solide passif d’auteur de bande-dessinée pour la jeunesse quand il part s’installer en Angleterre pour se lancer dans une carrière cinématographique ouvertement tournée, avec des résultats mitigés, vers le genre érotico-horrifique alors en vogue.

Dès 1970 et WHIRLPOOL (« Remous », tapageusement traduit par L’ENFER DE L’ÉROTISME pour le public francophone), on trouve des motifs qui deviendront récurrents dans nombre de films de Larraz : un cadre champêtre propice à un huis-clos tendu, des parages dissimulant de sombres secrets, une ambiance lourde de frustration sexuelle et affective, la menace potentielle des objets domestiques, bref, le calme bucolique avant la tempête.
Il faut cependant attendre SYMPTOMS, son sixième long métrage, pour que Larraz affirme de réels talents de réalisateur en adaptant une histoire de Thomas Owen, écrivain belge qui, à l’instar de son compatriote Jean Ray, excelle dans l’art d’un fantastique lugubre.

Par son sujet et son traitement - le basculement progressif d’une jeune femme dans la folie -, SYMPTOMS marche de toute évidence dans les traces du célèbre RÉPULSION de Roman Polanski et du moins connu mais passionnant IMAGES de Robert Altman que Lune Noire a présenté en février 2019.
Le critique américain Seymour Chatman, à propos du DÉSERT ROUGE d’Antonioni, analysait la description quasi clinique de la névrose du personnage de Giuliana qui rendait problématique tout aspect de son existence - pas seulement l’amour, l’amitié, la relation à sa propre famille et à autrui, mais la moindre décision dont il s’agit d’assumer la responsabilité. L’angoisse est réelle, elle devient palpable. Les barrières mentales dressées pour s’en préserver finissent par s’effondrer, exacerbant le sentiment d’agressivité que dissimule toute peur. Larraz va appliquer ce programme à la lettre dans un registre esthétique fort éloigné du cinéaste italien, troquant la grisaille aliénante d’un environnement industriel contre la mélancolie d’un paysage sans soleil et quelque peu pourrissant.
Dans SYMPTOMS, la maison isolée agit comme contrepoint physique à l’état mental d’Helen, femme-enfant inapte à gérer ses émotions, qu’interprète la lunaire Angela Pleasance (fille de Donald P.). Le film commence par le souvenir d’un rêve et semble se poursuivre comme tel, avec ses fantômes et ses hallucinations qui voileront bientôt ce qu’il reste de réalité, en s’installant à demeure. L’imagination emplit l’espace laissé par un silence angoissant, offrant toute latitude à la jalousie, à la paranoïa et au final à la folie homicide.


Lorna Heilbron dans Symptoms.

Film d’atmosphère gothique baignant dans une lumière automnale, SYMPTOMS éclot lentement, par touches subtiles, pour mieux nous surprendre dans ses déséquilibres et déraillements. Ses qualités lui ont valu de représenter la Grande-Bretagne au festival de Cannes en 1974, au côté du MAHLER de Ken Russell. Pourtant, le film est rapidement tombé dans l’oubli, en dehors d'un cénacle d'admirateurs qui ont jusqu'ici fait circuler une VHS pirate issue de son ultime diffusion télévisuelle en Grande-Bretagne au début des années 80.

Longtemps considérés comme perdus, figurant dans la liste des 10 films les plus recherchés par le British Film Institute, les négatifs originaux ont été miraculeusement retrouvés en 2014 et le métrage a été restauré par la Cinémathèque Royale de Belgique, offrant une nouvelle vie à cette œuvre très singulière.

— Bertrand Grimault


Retrouvez Lune Noire sur www.lunenoire.org et sur Facebook

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Un événement proposé par l'association Monoquini en partenariat avec le Cinéma Utopia,
avec le concours de la Cinémathèque Royale de Belgique et du British Film Institute.
Merci à George Watson et à Regina De Martelaere.
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