DIMANCHE 15 OCTOBRE 2023 — 20H15
Cinéma Utopia
5 Place Camille Jullian, Bordeaux
Tarif : 8€ ou Ticket abonnement


EVIL DEAD II

Un film de Sam Raimi
États-Unis / 1987 / couleur / 1h25 / VOSTFR
Scénario de Sam Raimi et Scott Spiegel

Avec Bruce Campbell, Sarah Berry, Dan Hicks, Kassie DePaiva, Denise Bixler, Richard Domeier

Version restaurée 4K

Interdit aux moins de 12 ans.

— Ash et Linda se rendent pour un séjour en amoureux dans une cabane isolée au fond des bois de Caroline du Nord, résidence du Professeur Knowby. Nulle présence humaine à leur arrivée, mais un enregistrement sur un magnétophone, tenant lieu de journal à l’archéologue, où sont récitées des incantations traduites du Necronomicon, le Livre des Morts découvert dans les ruines du mystérieux château de Kandar. Le couple ne va pas tarder à réaliser que des puissances maléfiques, promptes à s’emparer de l’âme et du corps des vivants, ont été lâchées sur terre…

Kanda… Estrata… Amantos… Eargrets… Gat… Nos Feratos… Pour le retour de Lune Noire au Cinéma Utopia, la moindre des choses était d’ouvrir en grand les Portes de l’Enfer… sans se prendre non plus trop au sérieux.
En 1983, sortait le premier long métrage du tout jeune Sam Raimi, un agité du bocal de 20 ans destiné, qui l’eut cru, à réaliser deux décennies plus tard des blockbusters hollywoodiens (SPIDERMAN etc.). EVIL DEAD, film indépendant tourné en 16 mm avec un budget modeste compensé par une abondance de trouvailles techniques et d’inventions visuelles, allait devenir une référence du cinéma d’horreur des années 80 et faire les beaux jours des vidéoclubs. Ce succès commercial mondial n’échappa pas à l’attention du producteur italien Dino de Laurentiis qui, sur les conseils avisés de Stephen King, mettra plus de trois millions de dollars sur la table pour financer une suite à EVIL DEAD - autant dire le jackpot pour la jeune société Renaissance Pictures.

Cependant, EVIL DEAD 2 n’est pas une suite au premier opus, mais un remake qui en reprend les motifs principaux - une cabane isolée dans la forêt, un grimoire maudit, le surgissement du surnaturel, la possession démoniaque de visiteurs imprudents - en y insufflant une dimension hautement parodique. Un choix plutôt téméraire compte tenu de la référence au Necronomicon, livre sulfureux écrit en 730 de notre ère par le poète fou Abdul al-Hazred et que H.P. Lovecraft, l’austère écrivain de Providence, aura contribué à inscrire dans une certaine culture populaire par l’évocation de Yog-Sothoth et Cthulhu, ces entités terrifiantes régnant sur un univers parallèle au-delà de l’entendement humain.
RE-ANIMATOR, le film de Stuart Gordon, était sorti en 1985 et Sam Raimi et son fidèle coscénariste Scott Spiegel n’ont jamais reconnu une quelconque influence de ce prédécesseur dans l’épouvante lovecraftienne passée à la moulinette saignante de la comédie noire. Les associés se revendiqueront plutôt d’un trio comique navrant, les Trois Stooges… À l’instar d’autres films de la période (STREET TRASH, THE TOXIC AVENGER, les films de Frank Henenlotter…) où les débordements gore renvoient à la frénésie psychopathologique d’un Tex Avery, EVIL DEAD 2 joue allègrement la carte du cartoon débridé. Bruce Campbell/Ash, le héros de cette épouvantable nuit sans fin, avec ses faux airs de Jim Carrey, subit une surenchère de mauvais traitements dans un monde complètement détraqué, qu’il soit aspergé de geysers de sang noir, bleu ou vert jaillissant de toute part, harcelé par une main maléfique qui couine comme une souris, ou encore moqué par le mobilier doté par intermittences d’une vie propre…
Entre deux plans-séquence ahurissants réalisés à la « shaky-camera » (une caméra montée sur ressorts et propulsée à travers l’espace), une certaine poésie macabre arrête par instant le temps, telle cette ballerine revenue d’entre les morts qui danse sous la lune, et que n’aurait pas reniée Tim Burton, ni le maître de l’animation Ray Harryhausen.

Fait rare, le merveilleux, le rire et l’effroi font bon ménage dans ce classique incontournable de Grand Guignol cinématographique.

— Bertrand Grimault

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Un événement proposé par l'association Monoquini en partenariat avec le Cinéma Utopia et avec le concours de Splendor Films.
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DIMANCHE 12 NOVEMBRE 2023 — 20H15
Cinéma Utopia
5 Place Camille Jullian, Bordeaux
Tarif : 8€ ou Ticket abonnement


POLICE FÉDÉRALE LOS ANGELES
(TO LIVE AND DIE IN L.A.)

Un film de William Friedkin
États-Unis / 1985 / couleur / 1h56 / VOSTFR
Scénario de William Friedkin et Gerald Petievich, adapté de son roman To Live and Die in L.A.
Musique : Wang Chung

Avec William Petersen, Willem Dafoe, John Pankow, Debra Feuer, Darlanne Fluegel, John Turturo, Dean Stockwell

— Los Angeles, 1984. Les dollars contrefaits se ramassent à la pelle. Rick Masters, un faux monnayeur de haut vol qui sous ses allures de dandy dissimule un criminel impitoyable, orchestre ce trafic. Un agent des services secrets a payé de sa vie une enquête un peu trop rapprochée. Son équipier, le fougueux Richard Chance, se voyant adjoindre un nouveau partenaire, n’a alors plus qu’une idée en tête : venger son ami et piéger Masters à tout prix, quitte à basculer dans l’illégalité la plus totale, sans en mesurer les conséquences dévastatrices…

William Friedkin, réalisateur selon notre cœur, s’est éteint le 7 août dernier et Lune Noire se devait de lui rendre hommage. Pour cela, TO LIVE AND DIE IN L.A. s’y prête idéalement.
Fort peu goûté à sa sortie par la critique et boudé par le public, ce néo-polar d’une noirceur d’encre a au fil du temps été réévalué comme un sommet dans la carrière de Friedkin, et tout simplement comme un classique du genre dont l’influence se ressent jusqu’à aujourd’hui. Sans doute son nihilisme, qui le rattache aux drames policiers des années 70, offrait alors une image anarchique et peu désirable de Los Angeles à l’opposé de l’hédonisme et de l’opulence qu’en donnait le cinéma américain des années 80. En effet, nul glamour dans TO LIVE IN DIE IN L.A., mais un climat de corruption généralisée et un voile de smog sur des paysages urbains et industriels rarement filmés. Ici pas de clinquant hollywoodien, pas de terrasses avec piscine sur les hauteurs de Beverly Hills, ni de palmiers élégamment alignés sur Rodeo Drive, mais les viaducs graffités de la 18ème rue, les bars enfumés de Boyle Heights, le canal de béton de la Los Angeles River et les lumières blêmes des raffineries de pétrole de San Pedro.
Soit une approche naturaliste qu’on trouvait déjà dans THE FRENCH CONNECTION, Friedkin troquant la froidure hivernale de New York pour la lumière étale de Los Angeles, et renouant avec la figure du flic borderline qu’incarnait Gene Hackman - en poussant ici les curseurs à fond.

Si tous les archétypes du néo-noir sont présents (le policier justicier, la femme fatale, l’avocat véreux, le criminel insaisissable), Friedkin, comme dans chacun de ses films, confère à ces modèles une dimension qui brouille constamment la frontière entre le bien et le mal. Une dualité qui s’affronte sur un échiquier aux dimensions urbaines, avec d’une part un criminel méthodique campé par un Willem Dafoe à la fois androgyne et menaçant, et de l’autre, l’agent fédéral qui le traque, animé par une conception toute particulière de la loi : William Petersen, en plein dérapage plus ou moins contrôlé entre deux rôles pour Michael Mann, incarne un renégat qui en se précipitant la tête la première dans des situations inextricables, déclenche un chaos qui n’épargne rien ni personne. Dans ce jeu de quilles, évolue une galerie de personnages ciselés - flics, malfrats, indics, et même des artistes - portés par un charismatique casting d’actrices et d’acteurs alors quasi inconnus.

De filatures en rebondissements terrassants, Friedkin s’impose une fois encore comme un virtuose du cinéma d’action, travaillant sous la contrainte d’un budget serré. La majeure partie du film est constituée de premières prises, donnant aux scènes un sens aigu de l’immédiateté. Jusqu’à ce moment d’anthologie : une course poursuite spectaculaire de huit minutes dans East Los Angeles embrayant sur l’autoroute de Terminal Island, qu’il faut avoir vu au moins une fois dans sa vie sur grand écran.

TO LIVE AND DIE IN L.A. est un film qui vous saisit et ne vous lâche pas, jusqu’à la dernière image.

— Bertrand Grimault
(Thanks to Eric Hehr)

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Un événement proposé par l'association Monoquini en partenariat avec le Cinéma Utopia et avec le concours de Park Circus.
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DIMANCHE 10 DÉCEMBRE 2023 — 20H15
Cinéma Utopia
5 Place Camille Jullian, Bordeaux
Tarif : 8€ ou Ticket abonnement


LA MARIÉE SANGLANTE
(LA NOVIA ENSANGRENTADA)

Un film de Vicente Aranda
Espagne / 1972 / couleur / 1h40 / VOSTFR
Scénario de Vicente Aranda d’après Carmilla de Sheridan Le Fanu (1872)

Avec Maribel Martín, Simón Andreu, Alexandra Bastedo

Film interdit au moins de 16 ans

Séance présentée par Loïc Diaz Ronda, codirecteur du festival Cinespaña (Toulouse) et spécialiste du cinéma espagnol.

— Jeunes mariés, Susan et son époux se rendent dans le manoir familial pour leur lune de miel. Dans cette campagne reculée et austère, Susan éprouve rapidement le sentiment que son mari cherche à la séquestrer et à l’humilier. Après avoir fortuitement découvert dans une remise le portrait de Mircala Karnstein, une ancêtre qui, deux siècles auparavant, aurait sauvagement poignardé son mari lors de sa nuit de noces, Susan est visitée en rêve par une mystérieuse dame voilée. Nuit après nuit, celle-ci l’incite à la rejoindre, loin de l’emprise des hommes. Quand un jour une femme amnésique, qui croit répondre du nom de Carmila, est recueillie dans la demeure, la frontière entre le monde onirique et la réalité se dissout…

En adaptant librement l’histoire de femme vampire de l’Irlandais Joseph Sheridan Le Fanu (qui précède de 25 ans le célèbre Dracula de Bram Stoker publié en 1897), Vicente Aranda ne signe pas seulement un classique de ce qu’on a nommé le fantaterror, ce genre hybride mêlant horreur et fantastique mâtiné d’érotisme qui fut une composante importante du cinéma populaire espagnol entre 1968 et 1976, avec plus de 200 films produits. Le réalisateur affilié à « l’École de Barcelone » (courant contestataire inspiré par la Nouvelle Vague et empreint de recherche formelle) se saisit assurément, dans le contexte de la dictature franquiste, de la dimension métaphorique que lui offre un récit fantastique pour y ajouter une portée critique. Entre Las Crueles (1969), un néo-Giallo atmosphérique où les femmes entretiennent des relations équivoques, et Cambio de Sexo (1977) où la toute jeune Victoria Abril incarne un transexuel, La Novia Ensangrentada dépasse le simple cahier des charges d’un film Bis et brouille encore une fois, c’est le cas de le dire, les genres.

Par l’actualisation du thème de l’envoutement cher au roman gothique, tout en en puisant dans la tradition picturale de l’ « Espagne Noire » (Bécquer, Goya, Regoyos), Aranda s’attache à représenter le trouble d’une femme face à la découverte de sa sexualité et s’attaque frontalement à la figure du macho ibérique promue par une société patriarcale irréductiblement sexiste. Il retient de même le caractère saphique de la relation entre Susan et la magnétique Carmilla qui était un trait dominant de la novella de Le Fanu et de ses précédentes adaptations cinématographiques, depuis Et mourir de plaisir de Roger Vadim (1960) jusqu’à la "Karnstein Trilogy" de la firme britannique Hammer. Cependant ici, pas de langoureuses étreintes mais la volonté d’en finir avec la domination masculine, avec un mode opératoire que n’aurait pas renié Valérie Solanas, l’auteure du brulot Scum.

On serait tenté de dire que le véritable sujet du cinéma d’horreur en général est la reconnaissance de tout ce que la civilisation refoule et réprime. La censure de l’état fasciste et de l’église catholique, veillant au grain de la sainte trinité (patrie, famille, religion), sans doute essoufflée en cette ultime décennie de dictature, n’aura t-elle retenu que le caractère a priori inoffensif d’un film fantastique et permis en 1972 son exploitation sur les écrans espagnols, elle sera passée à côté de la dimension subversive d’une œuvre d’une grande singularité dans le cinéma de genre de l’époque et qui conserve aujourd’hui encore son intense pouvoir de séduction.

— Bertrand Grimault

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Un événement proposé par l'association Monoquini en partenariat avec le Cinéma Utopia et le Festival Cinespaña, avec le concours de Egeda.
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