
VENDREDI 22 AOÛT – 20H30
STRANDED
Juleen Compton
USA / 1965 / n&b / 1h27 / VOSTFR
Avec Juleen Compton, Gary Collins, Gian Pietro Calasso.
Raina, une jeune Américaine, voyage en Grèce avec son amant américain et son meilleur ami, un français homosexuel. Esprit libre, Raina rejette les contraintes du mariage et de la vie domestique imposées aux femmes de sa génération et choisit plutôt de partir à l’aventure à la recherche de sa propre voie.
« Stranded (« Échoués ») est d’abord une chronique de la vie errante – croisière grecque privée – des Américains d’Europe, avec leur prise de conscience, souvent tragique, de leur échec, de leur inutilité, de leur besoin moral du travail et de la norme. Mais cette lucidité, à l’encontre des films conventionnels, ne préfigure aucun changement : ils reviennent très vite à leur tranquille jouissance de l’instant, d’où notre plaisir jamais ininterrompu, et le cycle alternatif continue…
Les audaces calmes sont les plus neuves…et l’on admire la simplicité avec laquelle cette poétesse de productrice-scénariste-réalisatrice-star filme la promiscuité, le pan-sexualisme, fait ressortir la vie de ses acteurs, le charme qu’elle leur trouve et l’humour très moderne qu’elle leur prête… et fait merveilleusement le guignol tout au long de ce film chatoyant : c’est le meilleur film américain non hollywoodien. »
Luc Moullet, Cahiers du Cinéma n° 195, novembre 1967
Juleen Compton (née en 1933 et toujours de ce monde) est une personnalité extrêmement originale du cinéma indépendant américain des années 60, malheureusement oubliée et totalement inconnue en France. Grâce au travail de restauration mené par les archives de l’UCLA, ses deux films, Stranded (1965) et The Plastic Dome of Norma Jean (1966) sont de nouveau visibles depuis 2022. Le premier, sélectionné hors compétition à Cannes, n’a connu qu’une distribution limitée sur les écrans français malgré un très bon accueil critique, et le second reste inédit par chez nous. La diffusion de cette œuvre n’a guère été plus probante aux États-Unis dans un contexte où les femmes réalisatrices étaient rares (en dehors du milieu du cinéma expérimental et underground, où Maya Deren incarnait une figure tutélaire au temps de « l’avant-garde »).
Mais Juleen Compton n’appartient pas à ce courant expérimental autochtone, se revendiquant davantage de l’influence du cinéma européen et de la Nouvelle Vague (Godard, les Cahiers du cinéma, Ingmar Bergman). Ayant fait fortune dans l’immobilier, cette actrice de formation, fondatrice d’une troupe de théâtre, partageant son temps entre New York et l’Europe, se lança sans expérience aucune dans l’aventure du tournage d’un premier film, entre la Grèce et la France.
On peut affirmer, de concert avec Luc Moullet, que c’est une réussite éclatante qui reste, 60 ans après, une pure délectation.
Stranded est une œuvre caractéristique de son époque, par son sujet et son traitement esthétique : une femme, en rupture avec une voie toute tracée, multiplie les expériences et fait le choix de vivre son propre destin au fil d’un récit qui semble reposer sur l’improvisation. Autobiographique, sans doute, tant Juleen Compton, actrice de son propre film, incarne Raina, sorte de reine des abeilles qui butine l’existence adoubée par ses deux compagnons de voyage. Stranded est un mélodrame flamboyant et une comédie enlevée aux accents Beat, l’expression moderniste exemplaire rencontrant une forme de burlesque à la Chaplin, c’est un film solaire, joyeux, divertissant et tragique à la fois.
Avant que Monoquini ne programme – peut-être un jour – l’étrange The Plastic Dome of Norma Jean, venez découvrir cet attachant Stranded, sous-titré en français à l’occasion de cette séance unique à ne pas manquer !



