
SAMEDI 30 AOÛT — 18H
PROJECTIONS 16 MM
LETTRE DE SIBÉRIE
Chris Marker
France / 1958 / couleur / 62 min.
« Les mots peuvent faire dire tout ce qu’on veut aux images ».
Commande de l’Association France-URSS, initialement intitulé Baikal1, Lettre de Sibérie est un récit de voyage tout en subjectivité, entrepris par une équipe réduite de 4 personnages, à travers lequel le réalisateur Chris Marker montre un pays bien loin du développement industriel et de la modernité qu’on lui prétend à cette époque. Si le commentaire commence et s’achève avec la phrase « Je vous écris d’un pays lointain », reprise volontaire du titre d’un des poèmes du recueil Lointain intérieur (1938) d’Henri Michaux, c’est que l’influence est directe et non cachée. Marker construit son récit sur les mêmes bases que le recueil qui joue, selon Anne Bourse, sur « le jeu des identités (le je et le vous, l’un et l’autre, l’intime et le collectif), des espaces (le proche et le lointain) et des temporalités (autrefois morcelé, présent fragile, futur incertain). »
Le pays si lointain est un pays de l’imaginaire, un pays qui fascine. Tout y est possible. Aussi Marker le compare-t-il au « pays de l’enfance » et le narrateur de se souvenir : « Je vous écris du pays de l’enfance. C’est ici qu’entre cinq et dix ans nous avons été poursuivis par les loups, aveuglés par les Tartares, transportés avec nos armes et nos bijoux dans le Transsibérien. » Mais Marker prend soin de ne pas détruire les mythes. Sous couvert d’anecdotes diverses et variées, tour à tour historiques, scientifiques, sociales, critiques, réflexives, ludiques, etc., il n’en décrit pas moins la Sibérie de 1958, où la modernité des villes s’oppose à l’archaïsme de la campagne et des terres reculées. Le film s’achève sur un bilan on ne peut plus clair : le pays lointain « se trouve entre le Moyen Age et le XXIe siècle, entre la Terre et la Lune, entre l’humiliation et le bonheur. Ensuite, c’est tout droit. »
Sur le plan formel, le film mélange images documentaires, images d’archives et animation. Certains prétendent que l’on peut y voir l’influence des Shadocks, or ceux-ci ne seront créés qu’en 1965. L’animation renforce cependant l’humour général qui traverse le film, porté de part en part par le commentaire virevoltant entre jeux de mots et propos ironiques, sans malveillance pourtant, en contrepoint de l’image. Suivant le développement préconisé par le Groupe des Trente, le commentaire est central, il ne se limite pas à la seule description de l’image. Il est le regard subjectif malicieux du réalisateur qui nous dit finalement qu’ailleurs n’est pas très différent d’ici. Le socialisme de Sibérie est un socialisme qui apporte la modernité, mais c’est aussi un socialisme fait de consensus et de concessions.
Au final, repérages et tournage auront duré deux mois et demi pour aboutir à un film offrant un regard sincère et généreux, car au vu de ce documentaire, nul doute que Chris Marker ait pris beaucoup de plaisir dans ce voyage, malgré les contraintes et difficultés relatées par André Pierrard.
Film précédé par la projection de deux beaux courts métrages :
AU PAYS DES RENNES
(Sarvtid)
Arne Sucksdorff
Suède / 1942 / n&b / 9 min. / vostfr
Arne Sucksdorff (1917-2001), considéré comme le père du documentaire suédois, se fait connaître au cours des années 40 et 50 au travers de remarquables courts-métrages, livrant une vision humaniste des relations entre l’homme et son environnement. Il fait ici le portrait d’une famille de nomades samis (lapons), dans un style documentaire classique, où l’existence est évoquée au travers des tâches quotidiennes (élevage, abattage, traite des rennes, apprentissage du lasso).
LÀ OÙ COURT LE RENNE
Documentaire soviétique des années 50 sur les Nénètses, peuple autochtone de Sibérie vivant à proximité du cercle polaire / n&b / 20 min. / VF








