
Jeudi 14 août — 20h30
L’ÉTÉ
Marcel Hanoun
France / 1968 / n&b / 1h04
Avec Graziella Buci, Pierre-Henri Deleau.
Après les événements de mai 1968, une jeune femme se réfugie à la campagne, dans une maison où elle attend son compagnon.
L’été est le premier film d’une série intitulée Les quatre saisons, avec L’hiver et Le printemps, tournés tous deux en 1970, et L’automne (1972).
Film musical (la bande son réunit Monteverdi, Couperin, Bach, Vivaldi, Litsz…), montage-partition avec ses codas, ses refrains, ses rimes, L’été est un film mélancolique qui fait le portrait de Graziella, successivement repliée dans la nostalgie de mai, ponctuée de citations philosophiques et poétiques, et se prélassant dans une légèreté bucolique. « Jeune femme rouge toujours plus belle », ce poème spontanément inscrit sur un mur de Paris, semble s’adresser à elle. Mais aussi cette ligne fameuse de René Char : « La lucidité est la blessure la plus proche du soleil ». Entre une lecture du Michael Kohlhaas d’Heinrich von Kleist, cette histoire tragique d’un homme épris de justice mais seul face à la société, et des citations de L’homme unidimensionnel d’Herbert Marcuse, le penseur de la contre-culture, on trouve une critique de la ville, « mal économiquement nécessaire que l’on fuit à la moindre occasion », telle qu’énoncée par les architectes Alicia et Hieronim Listowski dans le sillage des événements de Mai pendant qu’à la radio, l’invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes soviétiques a commencé. Les mots d’Artaud, Saint-Just, Spinoza s’égrainent dans la tentative de la jeune femme de restituer par l’écriture l’utopie de la révolution qui, l’été venu, s’effiloche.
Un sursaut burlesque, une joie simple, viennent par instants rappeler que néanmoins, la vie continue.
« … « Qui crée ? Et pour qui ? » Ce qui importe, c’est que Hanoun ne répond pas à ces questions de manière grandiloquente. Au contraire, loin de montrer une série d’actions dramatiques, il se concentre sur les moments intermédiaires de la vie de sa belle et jeune protagoniste. Il joue avec des fragments de scène, recadrant l’image, utilisant des cadres existants (portes, fenêtres, un miroir comme tableau vivant) et tout cela confronte le spectateur à une sorte de catalogue d’actes répétitifs, où le drame et le développement des personnages sont absents. Ces moments caractérisés par leur pure banalité finissent par laisser transparaître le véritable sujet à travers les mailles du récit… toute une série de scènes, de séquences, d’images, que tout autre réalisateur aurait coupées, car ne contribuant ni au suspense du récit, ni à son apogée, ni à son déroulement dramatique, mais qui, grâce à la distance établie, permettent à Hanoun de révéler la clé, le sens de son film : la confrontation, la relation controversée entre le désir et la réalité. De cette manière, les questions — Qui crée ? Et pour qui ? — sont reformulées de manière plus précise : ce que l’on souhaite et comment on cherche à changer la réalité pour satisfaire ce désir. »
Nacho Cagiga, The Inner Look. Marcel Hanoun’s Cinewriting






