
INCUBUS
LESLIE STEVENS
USA / 1966 / N&B / 1h18 / Espéranto sous-titré fr
Scénario : Leslie Stevens
Musique : Dominic Frontiere
Avec William Shatner, Allyson Ames, Eloise Hardt, Ann Atmar, Milos Milos.
MERCREDI 25 JUIN 2025 — 22H
— CHÂTEAU PALLETTES
17, RUE ELIE GINTRAC – Bordeaux
PARTICIPATION LIBRE (PRIX CONSEILLÉ : 5€)
Ouverture des portes à 21h.
Nombre limité de place. Les retardataires ne seront pas acceptés après le début de la séance !
— Sur une ile mystérieuse, près du village de Nomen Tuum, il existe un puits dont l’eau miraculeuse guérit et redonne la beauté. Il attire pour cette raison nombre d’individus vaniteux ou corrompus, proies de choix pour les belles succubes qui hantent les lieux et conduisent leurs victimes à une mort certaine pour offrir leur âme au Seigneur des Ténèbres. La jeune Kya, lassée d’expédier aussi facilement les êtres souillés en enfer, cherchant à mesurer ses pouvoirs, entreprend de séduire et de pervertir un homme pur, Marko, un jeune soldat convalescent qui est revenu vivre auprès de sa sœur.
Nous voilà en présence d’une véritable rareté, d’un authentique OFNI. Ce film intemporel qui pourrait aussi bien se passer au 18ème siècle que sur une autre planète a été considéré comme perdu pendant 30 ans, le négatif et toutes les copies ayant été supposément détruites dans un incendie, jusqu’à ce qu’une copie 35 mm soit retrouvée en 1996 dans les collections de la Cinémathèque Française. Il faut dire que ce film, dont le sujet se prêtait d’emblée à un destin sulfureux, a attiré toutes sortes de malédictions depuis sa conception même. Que William Shatner, qui avait eu jusque là droit à des rôles intéressants, dont celui de l’agitateur dans THE INTRUDER de Roger Corman, ait été condamné par la suite à jouer le rôle du Captain Kirk jusqu’en 1969 dans la série télé STAR TREK, en est la moindre. Le plus inquiétant, digne d’un scénario écrit par Charles Manson pour une séquelle, c’est le meurtre par la suite de l’épouse de Mickey Rooney par Milos Milosevic, l’incube bestial en titre (et alors doublure et garde du corps d’Alain Delon), qui mit fin à ses jours. Autre suicide, celui d’Ann Atmar qui joue la sœur de Marko, et autre meurtre, celui à l’âge de 17 ans de la fille de l’actrice-succube Eloise Hardt, qui fut kidnappée et dont on ne retrouva jamais l’assassin. Qui se frotte au Diable, s’y pique ?
Il faut ajouter à cela que la réception du film à l’époque fut catastrophique. Le choix original de Leslie Stevens de tourner en espéranto dans l’espoir de faciliter une distribution internationale fut accueilli par les lazzis lors de la première du film au festival de San Francisco, où étaient présents de nombreux pratiquants, moquant des dialogues à la piteuse prononciation. La critique américaine acheva de laminer ce film atypique. En réalité, face à l’indifférence des distributeurs américains, il semblerait que le film ne soit sorti qu’en France, d’où la copie sous-titrée distribuée par Ciné-Sorbonne qui fut jusqu’à peu considérée comme l’unique matériel survivant (en 2023, l’éditeur Le chat qui fume localisa une copie 35 mm originale en excellent état de conservation).
Avec tous ces malheurs accumulés, que reste t-il du film ? Tout d’abord une photographie superbe de Conrad Hall et une musique envoutante de Dominic Frontiere, deux collaborateurs fidèles que Leslie Stevens a embarqué à la fin de l’aventure de la série Outer Limits (Au-delà du réel), dont il était le producteur. Les ciné-clubs des États-Unis et autres art houses (salles d’art & essai) découvraient les nouvelles vagues européennes ; Robert Altman, notoirement, rappelait le choc des films d’Ingmar Bergman, citant PERSONA comme une influence majeure de films comme THAT COLD DAY IN THE PARK et IMAGES. L’étrangeté de l’espéranto, la blondeur suédoise des succubes infernales, le caractère de fable qu’emprunte le récit, font pencher INCUBUS dans un climat médiéval qui évoque LA SOURCE, d’autant plus qu’il est question ici d’un puits à la fois magique et maléfique. Ce qui a peut-être déconcerté le public en 1966, c’est la beauté plastique d’un film qui verse néanmoins dans l’épouvante dès lors que les forces du mal se déchainent, et à cet égard, la naissance de l’incube surgi des entrailles de la terre est une des images les plus stupéfiantes – et menaçantes – d’un film qu’on serait tenté de qualifier par ailleurs de « poétique ». INCUBUS renoue en effet avec l’horreur poétique des grands maitres de la littérature gothique et du cinéma d‘épouvante des années 30. INCUBUS, ou la beauté des cauchemars.
— Bertrand Grimault
