DIMANCHE 29 SEPTEMBRE 2019 — DOUBLE SÉANCE

— Comme le Cinéma Utopia cette année, Lune Noire, dont la toute première séance eut lieu le 13 février 1999, souffle ses 20 bougies.
Intitulée « Tales of the Bronx » avec une sélection de courts métrages underground en projection 16mm des new-yorkais George et Mike Kuchar, cette séance se déroula chez R2, un lieu unique en son genre créé par Vincent Portal au 22 rue Renière. Salon de coiffure le jour, espace artistique et salle de projection le soir pour public... exigeant. D'autres séances Lune Noire y eurent lieu, puis à L'Annexe en 2008, avant que le Cinéma Utopia ne nous ouvre ses portes.
Poursuivant et concluant le programme « Lumières » concocté par Monoquini dans la grille d'Utopia du mois de septembre, cette Lune Noire spéciale revisite au travers de deux films emblématiques le « pays des salles obscures », ce refuge peuplé de fantômes et de fantasmes. Le Cinéma Utopia est « garanti sans 3D » ? Le double programme de ce soir pourrait pourtant bien contredire cette affirmation et ouvrir une dimension insoupçonnée.

Cinéma Utopia
5 Place Camille Jullian, Bordeaux
Tarifs : 7€ par séance ou Ticket abonnement / 9€ les 2 séances



20H
ANGOISSE


(Angustia)
Un film de Bigas Luna

Espagne, 1987, couleur, 1h26, VOSTF

Scénario : Bigas Luna
Avec Zelda Rubinstein, Michael Lerner, Talia Paul, Àngel Jové, Clara Pastor…

Prix du scénario, prix de la critique, prix du public
Festival fantastique du Grand Rex, 1988
Interdit aux moins de 16 ans

Le 19 juillet 2012, James Holmes, persuadé qu’il est le Joker, ennemi juré de Batman, ouvre le feu sur les spectateurs de la première de THE DARK KNIGHT RISES de Christopher Nolan au Cinéma Century d’Aurora. Le public, absorbé par l’action et les effets sonores à l’écran, ne réalise pas immédiatement que les tirs ont lieu dans la salle, tuant et blessant des dizaines de personnes.
Conséquence d’une fiction qui imprègne et contamine le réel, la tragédie d’Aurora est le scénario paranoïaque que Bigas Luna, par anticipation, confiait redouter par-dessus tout après avoir achevé ANGOISSE. Ou quand la distinction entre divers niveaux de « réalité » s’estompe pour laisser place à une sensation douloureuse de rêve éveillé.

Résumé possible : « Perdant progressivement l’usage de la vue, un infirmier travaillant dans une clinique ophtalmologique, sous l’emprise hypnotique de sa mère abusive, devient un tueur en série collectant les yeux de ses victimes. »
Sous les apparences premières d’un slasher, ANGOISSE déjoue les attentes du spectateur pour l’égarer progressivement dans la trame somnambulique de récits successifs qui s’emboitent à l’écran et se répondent de façon vertigineuse.
De ce thriller virtuose aux multiples facettes, lorgnant autant du côté de Buñuel que de De Palma, il faut en dire le minimum pour garantir les effets d’une mise en abyme immersive, amplifiée par la projection en salle.

N’oubliez pas que ce n’est qu’un film… ce n’est qu’un film… ce n’est qu’un film…

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22H
DERNIÈRE SÉANCE


Un film de Laurent Achard

France, 2011, couleur, 1h21

Scénario : Laurent Achard et Frédérique Moreau
Bande-Son : Martin Wheeler
Avec Pascal Cervo, Charlotte Van Kemmel, Karole Rocher…

Projection 35mm
Interdit aux moins de 12 ans

Cinéphile et timide, Sylvain est l’homme à tout faire d’un cinéma de province condamné à la destruction. La nuit tombée, il part en chasse et tue des femmes pour soigner la violence infligée par sa mère, une actrice ratée, durant son enfance…

DERNIÈRE SÉANCE est le magnifique cri d’amour lancé par Laurent Achard au cinéma du XXème siècle, une tentative sublime et désespérée de marier les contraires, le pur et l’impur, l’Art & Essai et l’Exploitation, les « grands » maîtres (Bresson) et les « petits » (Argento). Embrassant sans retenue les codes et les motifs du cinéma d’horreur contemporain, en particulier le Slasher, il les épure jusqu’à incandescence et, au travers de plans séquences cliniques et virtuoses, parvient à marier le sordide crapoteux hérité du MANIAC de William Lustig à la rigueur formaliste du réalisateur de PICKPOCKET et L’ARGENT. Ce qui en jaillit est un film déstabilisant, dérangeant, véritablement angoissant. Rares sont les films d’horreur qui parviennent à créer la peur. DERNIÈRE SÉANCE le réussit grâce à un dispositif de mise en scène au cordeau et, dans un tour de force d’une austérité et d’une sensibilité rares, fait résonner cette terreur avec celle de la fin d’un monde : celui du cinéma argentique, de l’aura fantasmatique de ses stars féminines, de ses salles de quartier, de sa cinéphilie passionnée. Profondément pessimiste, DERNIÈRE SÉANCE dissèque avec une acuité impressionnante le mécanisme dépressif à l’œuvre chez les cinéphiles, leur faisant préférer une illusion mortifère à une réalité ne l’étant pas moins.

Rêverie à Locarno avec une "Dernière séance" pour tueur cinéphile, par Jacques Mandelbaum

Retrouvez Lune Noire sur www.lunenoire.org et sur Facebook

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Un événement proposé par l'association Monoquini en partenariat avec le Cinéma Utopia et Radio Nova Bordeaux, avec le concours d'Epicentre Films.
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