VENDREDI 31 JANVIER 2025 — 20H30
Château Pallettes
17 rue Élie Gintrac, Bordeaux
Tarif : 5€ / 3€ pour les adhérent-e-s Monoquini

Nombre limité de places.
Les retardataires ne seront pas acceptés après le début de la séance !

LA MAISON DES DAMNÉS
THE LEGEND OF HELL HOUSE
Un film de John Hough
GB / 1973 / couleur / 1h34 / VOSTFR
Scénario de Richard Matheson d'après son roman, Hell House.
Musique et effets sonores de Brian Hogdson et Delia Derbyshire.

Avec Pamela Franklin, Roddy McDowall, Clive Revill, Gayle Hunnicutt, Michael Gough.

— Une équipe, composée d’un physicien, de son épouse et de deux médiums, est envoyée en mission par un riche commanditaire dans un manoir réputé hanté, connu sous le nom de la « maison de l’enfer », pour apporter la preuve de – ou réfuter – l’existence d’une vie après la mort. Ils ont une semaine, dans l’isolement complet, pour tenter de résoudre le mystère. Les chercheurs qui les ont précédés dans cette demeure ont été tués ou sont devenus fous…

— Lune Noire est de retour et fait peau neuve en vous donnant désormais rendez-vous au Château Pallettes, haut-lieu magique de la bohème artistique bordelaise et cadre de projection pittoresque. Nous continuerons à chaque nouvelle lune à y célébrer les arcanes d’un cinéma de l’irréel, de l’étrange et des profondeurs.

The Legend of Hell House est très similaire par son sujet à un autre film de « maison vivante », The Haunting (Robert Wise, 1963), paresseusement traduit en France par La maison du diable. Dans les deux films, il n’est pas du tout question de présence diabolique mais de hantise. Quand les esprits frappent, ou bien souvent sont frappés, c’est que la maison aux âmes errantes devient le support des tourments, de la névrose et du refoulement, sur fond de puritanisme et où des rumeurs étouffées sont l’écho lugubre d’abus infligés à des enfants.

Dans la Hill House de The Haunting (une autre maison de l’enfer, à une voyelle près), l’ascension d’un escalier en spirale est le chemin le plus direct vers l’inconscient le plus profond. L'ambiance sonore extrêmement travaillée est sensée restituer le souffle d’une maison traversée de courants d’air glacial, prompts à claquer les portes et déclencher une tempête d’objets. La maison des damnés est d’abord un pur film d’atmosphère. À l’instar de The Haunting, la terreur est avant tout intérieure. Jusqu’au moment où la menace d’une présence invisible et hostile se manifeste au grand dam des vivants.

— Bertrand Grimault

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Un événement proposé par l'association Monoquini en partenariat avec le Château Pallettes.
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VENDREDI 28 FÉVRIER 2025 — 20H30
Château Pallettes
17 rue Élie Gintrac, Bordeaux
Tarif : 5€ / 3€ pour les adhérent-e-s Monoquini

Ouverture des portes à 20h. Buvette sur place.
Nombre limité de places.
Les retardataires ne seront pas acceptés après le début de la séance !

THÉÂTRE DE SANG
THEATRE OF BLOOD
Un film de Douglas Hickox
GB / 1973 / couleur / 1h44 / VOSTFR
Scénario de Anthony Greville-Bell.
Musique de Michael J. Lewis.

Avec Vincent Price, Diana Rigg, Ian Hendry, Harry Andrews, Robert Coote, Michael Hordern, Robert Morley, Coral Browne, Jack Hawkins, Arthur Lowe, Dennis Price.

— Un acteur shakespearien prend une revanche hautement théâtrale sur les critiques qui lui ont refusé la reconnaissance, s’inspirant pour ce faire des pièces du barde de Stratford.

Deuxième film puisé dans les mémoires cinéphiles de l’écrivain Bret Easton Ellis, nous voici en présence d’un authentique fleuron de mauvais genre qui s’autorise les pires traitements dans une débauche de fantaisie macabre.

Vincent Price, grand acteur de l’âge d’or hollywoodien (Laura de Preminger, Le Château du Dragon de Mankiewicz), s’est rapidement imposé dans le genre de l’épouvante par sa présence inquiétante et sa voix légèrement nasillarde d’outre-tombe, et il reste l’interprète emblématique des adaptations cinématographiques d’Edgar Allan Poe par Roger Corman dans les années 60. Il trouve en l’acteur shakespearien Edward Lionheart un rôle à sa démesure. Mieux, en acteur littéralement possédé par les pièces de Shakespeare et par la loi du talion contre des critiques de théâtre malavisés qui l’ont humilié jusqu’à le pousser au suicide. La mort n’aura pas voulu de l’acteur incompris, authentique revenant qui sait que la vengeance est un plat qui se mange froid. Dans White, Ellis n’évoque que le cas de Meredith Merridew, le critique outrageusement efféminé contraint de déguster – à l’instar de Tamora, la reine des Goths, dans Titus Andronicus – ce que le suspense nous interdit ici de nommer. Voilà l’occasion de relire vos classiques.

Diluées dans le Grand Guignol, les sanglantes tragédies shakespeariennes inspirent les sept mises à mort orchestrées et actualisées dans le Londres des années 70 par le revanchard Lionheart : Jules César, Troïlus et Cressida, Cymbeline, Othello, Henri VI (première partie), Le Roi Lear et une interprétation toute personnelle de la comédie Le Marchand de Venise (« Repent not you that you shall lose your friend, and he repents not that he pays your debt. For if he do but cut deep enough, I’ll pay it instantly with all my heart » – littéralement). Shakespeare n’a t-il pas contribué pour exprimer l’abondante effusion de sang à populariser le terme de gore (Macbeth, Roméo et Juliette), longtemps jugé désuet avant que le producteur David Friedman ne s’en empare pour promouvoir en 1963 Blood Feast puis 2000 Maniacs de Herschell Gordon Lewis, les premiers films du genre dans l’histoire du cinéma d’horreur ? Certainement l’abrasif roman d’Ellis, American Psycho, est-il issu de ce mélange impur de gore élisabéthain, de sous-culture populaire de drive-in et de la fascination morbide pour les tueurs en série.

Si le « théâtre des opérations » dans The Legend of Hell House (présenté lors de la Lune Noire du 31 janvier) est un de ces fastueux châteaux anglais propices aux ectoplasmes, le repaire de Edward Lionheart et de sa troupe de « Meths Drinkers » (une parodie alcoolisée du Living Theater) est le Putney Hippodrome Theatre, un théâtre de variété inauguré en 1906 dans la banlieue du sud-ouest de Londres qui fut reconverti en lieu de projection cinématographique en 1924, exploité par diverses sociétés (Gaumont British, Associated British Cinemas, Rank Organisation) avant de fermer ses portes en 1961. Dix ans plus tard, Douglas Hickox en fit un des décors pour deux de ses films, le brutal Sitting Target (1972), avec Oliver Reed, et notre Théâtre de sang, qui à l’instar du lovecraftien Haunted Palace de Roger Corman où Vincent Price interprète Charles Dexter Ward, fut réellement incendié pour les besoins de l’action : pas d’effets spéciaux numériques ici, le spectateur effaré assiste à la destruction du vénérable théâtre ravagé par les flammes en un final véritablement tragique. Ce qui restait de l’’imposant bâtiment fut démoli en 1975 pour laisser la place à des logements.

Si notre regard est aimanté par le magnétique Price au milieu d’un casting truculent, il faut bien sûr mentionner Diana Riggs (soit Emma Peel, la célèbre partenaire de John Steed dans Chapeau melon et bottes de cuir) qui a déclaré s’être follement amusée dans son rôle transformiste, endossant d’improbables accoutrements pour servir fidèlement son glorieux père dans ses sidérants actes de vengeance.

Théâtre de sang, c’est les chocottes, avec le sourire.

— Bertrand Grimault

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Un événement proposé par l'association Monoquini en partenariat avec le Château Pallettes.
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DIMANCHE 30 MARS 2025 — 20H30
Château Pallettes
17 rue Élie Gintrac, Bordeaux
Tarif : 5€ / 3€ pour les adhérent-e-s Monoquini

Ouverture des portes à 20h. Buvette sur place.
Nombre limité de places.
Les retardataires ne seront pas acceptés après le début de la séance !

THE CANYONS
Un film de Paul Schrader
USA / 2013 / couleur / 1h39 / VOSTFR
Scénario de Bret Easton Ellis
Musique de Brendan Canning

Avec Lindsay Lohan, James Deen, Nolan Gerard Funk, Amanda Brooks, Tenille Houston, Gus Van Sant.

— Avant que nous n’entrions de plain pied dans le film, le générique déroule un diaporama constitué de plans fixes de façades de salles de cinéma murées, pour la plupart anonymes, et d’intérieurs décrépis sur lesquels s’affichent les crédits, alors que la musique originale de Brendan Canning s’étire en une sorte de plainte, crépitant comme un disque vinyle poussiéreux. Les rues et les parkings sont absolument déserts, conséquence d’une catastrophe qui auraient éradiqué l’espèce humaine. On s’attend à voir surgir un zombie hagard dans l’interstice de ces paysages lugubres, comme au début du Jour des morts-vivants de George Romero. Ces cinémas se dressent tels des monolithes de béton dans la lumière grise de Los Angeles. Une heure et une trentaine de minutes plus tard, se déroule lentement le générique de fin et d’autres images de cinémas abandonnés, écrans lacérés, cabines de projection croulant sous le plâtre, serpents de pellicule 35 mm foulés au pied, rangées de sièges vides sur lesquelles tombent un rayon de lumière depuis le plafond fissuré, accompagnent le blues funèbre des Dum Dum Girls. Le récit lui-même repose sur un éphéméride fatal, lundi, mardi, mercredi s’affichant successivement sur une de ces façades muettes, trois jours durant lesquels tout bascule.

The Canyons n’est pas un film de zombies, même si c’est à de nombreux égards un film d’horreur, de cette horreur banale, quotidienne, où la sauvagerie des relations humaines aboutit parfois au meurtre. Bret Easton Ellis est le scénariste de ce film réalisé par Paul Schrader en 2013. L’histoire perverse d’un triangle amoureux et sexuel sur lequel pèse le pouvoir de l’argent, le sésame qui ouvre toutes les portes à Hollywood. L’enjeu ici n’est pas tant le rôle qu’espère obtenir un jeune prétendant au succès dans un slasher que de posséder l’objet du désir (une femme) dans un jeu de quilles.

Du tournage dans un hôtel maléfique au Mexique, nous ne verrons et ne saurons rien de plus. En revanche, nous arpentons les rues et avenues de Westwood, quartier cossu au nord-ouest de Los Angeles entre Beverly Hills et Santa Monica où vit essentiellement une population blanche, décor récurrent des romans de Bret Easton Ellis.

The Canyons est présenté ici ou là comme un "thriller érotique", curieuse étiquette pour un film précédé d’une réputation un brin sulfureuse qui lui a fermé les portes des studios et d’un financement classique. Du coup, son modeste budget de film indépendant provient d’un financement participatif. Sulfureux tout d’abord de par son casting : Lindsay Lohan, ex-égérie de Disney, réputée ingérable sur les tournages du fait de ses nombreuses addictions, et James Deen, acteur porno qu’on imagine peu ou mal dans un rôle "parlant". Contre toute attente, le couple crève l’écran par sa présence et la complexité maladive de leur relation, l’intuition de Bret Easton Ellis pour ce choix d’acteurs s’avérant plus que juste.

En réalité, The Canyons est une plongée dans des profondeurs méphitiques que dissimulent les convenances sociales, sous un vernis qui ne tarde pas à se craqueler. The Canyons, c’est une sorte de Portrait de Dorian Gray transposé dans un soap californien.

— Bertrand Grimault

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Un événement proposé par l'association Monoquini en partenariat avec le Château Pallettes.
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DIMANCHE 27 AVRIL 2025 — 21H
Château Pallettes
17 rue Élie Gintrac, Bordeaux
Tarif : participation libre / gratuit pour les adhérent-e-s Monoquini

Ouverture des portes à 20h.
Nombre limité de places.
Les retardataires ne seront pas acceptés après le début de la séance !

INQUIÉTUDES
Un film de Gilles Bourdos
France / 2003 / couleur / 2h17
Scénario de Gilles Bourdos et Michel Spinosa, d'après Sage comme une image (A Sight for Sore Eyes) de Ruth Rendell
Musique : Alexandre Desplat

Avec Grégoire Colin, Julie Ordon, Brigitte Catillon, Laurent Grévill, Étienne Chicot, Frédéric Pierrot, Mathieu Amalric…

— Bruno Keller, étudiant à la Villa Arson à Nice, est un jeune homme épris de pureté qu’il s’emploie à traduire dans son travail plastique. C’est aussi un être asocial, sujet à des accès de rage et potentiellement dangereux face à la contradiction. Quand il rencontre Élise, un accord secret les lie l’un à l’autre. Mais ce prélude complice va progressivement se fissurer face au comportement imprévisible et meurtrier de Bruno.

— Dans sa critique du film parue dans le journal Libération du 4 février 2004, Didier Péron soulignait qu’Inquiétudes, adaptation d’un roman de Ruth Rendell, Sage comme une image, est plus un film noir qu’un polar, dans la mesure où la tension dramatique ne tient pas aux dénouements des fils d’une enquête mais aux risques que font encourir à la fiction et au spectateur les conduites du personnage principal, Bruno Keller. Le sentiment d’intranquillité domine de bout en bout dans ce récit qui se déploie tel un piège, en une succession de gestes irréparables.

Un flashback nous montre Bruno, enfant, dans un environnement familial d’une grande violence, trainant son matelas loin des cris des adultes, parmi lesquels son oncle (formidable Etienne Chicot, dans un de ses derniers rôles marquant) chez qui il vit désormais. Le conflit est permanent et l’incompréhension atteint son comble du fait de l’obsession de Bruno pour les espaces d’une blancheur immaculée, le rapprochant du travail d’artistes comme Absalon ou Jean-Pierre Raynaud. Ensuite, il y a Élise Gardet qui, gamine, a été témoin du meurtre de sa mère par un inconnu. À 18 ans, son père s’est recasé avec sa psy, femme stressée qui voit le danger partout et tente de soustraire sa belle-fille aux aléas du monde. Ce cocktail toxique ne peut finir que par exploser.

Prenant à la lettre le motif du cadavre dans le placard, le film s’attache au geste criminel, non tant sur ses origines que sur ses conséquences. Le meurtre alourdit celui qui le commet d’un fardeau, le corps du mort qu’il faut escamoter dans diverses caches. Le mort (et de proche en proche la Mort) est ce dont on ne se débarrasse pas, qui persiste dans son état de trop-plein répugnant. La soif de virginité clinique de Bruno, qui le conduit à "nettoyer" l’espace de tout ce qui le gêne (indifféremment les vieux meubles et les gens), le voue à un destin calamiteux d’homme des bas-fonds, aspirant à la lumière et cependant compagnon souterrain de ses victimes. En ne craignant pas d’articuler à fond ces motifs blanc/noir, lumière/ténèbres, surface/profondeur, Gilles Bourdos élabore un circuit mental qui nous mène d’une situation, au début, de simple observateur , intéressé mais dubitatif, à une implication totale de tous nos nerfs, ouvrant sous nos pieds de grouillants abysses, une terreur proche de celle que l’on ressent après un cauchemar au réveil, quand l’esprit hésite à trancher entre la nuit et le jour, l’imaginaire et la réalité.

La tenue de la mise en scène et la photographie chromée de Mark Lee Ping-bing (chef op’ de Millenium Mambo et In the Mood for Love) servent de tremplin à l’acteur Grégoire Colin. Sa seule présence, mutique, pâle, racée, réorganise l’architecture du plan. Les scènes de violence, qu’on ne dévoilera pas ici, empruntent par leur fièvre psychotique au plus haut registre détraqué de l’Actor’s Studio.
Inquiétudes abrite sous ses lambris de craie la conjonction réussie d’un genre, d’un cinéaste et d’un acteur. Il est temps de redécouvrir cet outsider oublié.

— Merci à Didier Péron.

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Un événement proposé par l'association Monoquini en partenariat avec le Château Pallettes, avec le concours de Tamasa.
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